Le 21 janvier 2011, 50 ans après la mort
de Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), Frédéric Mitterrand, ministre de la
Culture, sur plainte de Serge Klarsfeld, avait décidé de faire retirer le
nom de Céline du Livre des commémorations nationales de l’année
2011. Tout récemment, Antoine Gallimard a été contraint par nos belles âmes de
renoncer à son projet de publier certains « pamphlets » de Céline,
dont Bagatelles pour un massacre (1937). Rappelons que
ledit « massacre » allait être celui de la boucherie de 1939-1945
contre la venue de laquelle il mettait en garde ses contemporains. En vain, comme on le sait !
Le 28 janvier 2018, 66 ans après la mort
de Charles Maurras (1868-1952), Françoise Nyssen, ministre de la Culture, sur
plainte de SOS Racisme, de la LICRA et de Frédéric Potier, responsable de la
DILCRAH ou Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme
et la haine anti-LGBT (Lesbiens, Gays, Bisexuels
et Transgenres), annonce à son tour qu’elle
va faire retirer le nom de Maurras du Livre des commémorations
nationales de l’année 2018.
Un « retrait » consiste à mettre au
pilon tous les exemplaires de la première édition et à faire imprimer une
nouvelle édition, expurgée.
Il serait intéressant de savoir combien
coûte aux contribuables français l’activité d’une telle officine de
censure.
La culture peut se définir comme
« l’ensemble des connaissances acquises qui permettent de développer le
sens critique, le goût, le jugement » (d’après Le Grand Robert
de la langue française, 2ème édition).
On comprendra que, pour certains, la
culture doit être surveillée de près. D’où le recours à la censure. Il ne
suffit pas de censurer les vivants, de les épurer, de les gayssoter (du nom du
communiste Jean-Claude Gayssot avec sa « loi Faurisson », parue
au Journal Officiel de la République française du 14
juillet 1990). Il faut également censurer les morts, rétroactivement. Et
récrire l’histoire. Vive Staline !
Peine perdue. De son vivant, Céline
avait promis à ses persécuteurs qu’après sa mort son fantôme reviendrait les
réveiller en pleine nuit. Promesse tenue. Aujourd’hui, plus on voit,
d’une part, les charognards s’acharner sur lui et, d’autre part, certains
célinistes patentés hésiter à prendre sa défense, plus son image grandit.
Céline en devient « plus grand mort que vivant ». Sartre et Gide, « bien
plus petits morts que vivants », n’émeuvent ni ne troublent plus personne.
31 janvier 2018
NB : Ce texte vient d’être publié dans le courrier de Rivarol ; il est ici très légèrement modifié.
Ci-après, voyez « Un exercice de réflexion ».
Un exercice de réflexion
« Je veux pas
faire la guerre pour Hitler, moi je le dis, mais je veux pas la faire contre
lui, pour les Juifs … On a beau me salader à bloc, c’est bien les Juifs et eux
seulement, qui nous poussent aux mitrailleuses … », Bagatelles pour un massacre,
p. 317.
Que faire de cet
extrait d’une œuvre parue deux ans avant septembre 1939 ?
1) Le livrer tel quel
au lecteur de 2018 en lui laissant le soin de s’informer ou non sur la
pertinence ou le manque de pertinence du propos ?
2) S’estimer en devoir
de l’informer dans un sens ou dans l’autre en accompagnant le texte d’un
apparat critique ad hoc ?
3) Interdire tout
bonnement la lecture d’un tel propos tenu il y a plus de 80 ans et, du même
coup, interdire que soit publié un ouvrage entier, d’environ 380 pages, où
figurent ces quelques phrases ?
4) Dans ce dernier cas
et dans un souci de logique ou d’équité, faudra-t-il nécessairement étendre une telle
censure à combien d’ouvrages et en remontant jusqu’à quels temps dans la production
culturelle française ou étrangère ? Quelle autorité ministérielle ou
judiciaire se chargerait-elle de la besogne ? De quel droit ? Dans
quelles limites ?