Tribunal de Grande Instance de Paris,
17e chambre
correctionnelle, 6 juin 2017
Président : Fabienne Siredey-Garnier. Assesseurs : Marc Pinturault et Caroline Kuhnmunch. Ministère public : Florence Gilbert. N° de parquet : 14356000489. Plaidoiries le 9 mai 2017. Robert Faurisson porte plainte pour diffamation publique contre Ariane Chemin, journaliste du Monde, et Teresa Cremisi, directrice de publication des Editions Flammarion, pour avoir écrit et publié dans Le Monde / 70 ans d’histoire (août 2014, 496 p.) un article intitulé : « 29 décembre 1978 / Le jour où Le Monde a publié la tribune de Faurisson » (p. 469-470).
Le texte du jugement qui me déboute de mes demandes
Voyez ci-après les treize pages du jugement du 6 juin 2017 qui déclare recevable l’offre de preuve d’Ariane Chemin, renvoie Ariane Chemin et Teresa Cremisi des fins de la poursuite, déclare Robert Faurisson recevable en sa constitution de partie civile et le déboute de ses demandes en raison de la relaxe prononcée.
Mes premiers commentaires sur ce jugement
Me voici déclaré 1) un menteur, 2) un falsificateur et 3) un faussaire de l’histoire. De 1979 à 2017, soit en 38 ans, jamais une instance judiciaire n’a porté à mon encontre une seule de ces trois accusations. Si j’avais été vraiment condamné à l’un ou à l’autre de ces titres, les médias du monde occidental auraient immanquablement corné la nouvelle à tous les échos.
Mais il y a pire. Dans ce jugement, on ne me fournit pas un seul exemple, pas une seule preuve de ce que je serais effectivement soit « un menteur professionnel », soit un « falsificateur », soit un « faussaire de l’histoire ». J’attendais au moins trois exemples, trois preuves. Je ne découvre rien de tel.
Parce que j’ai souvent fait état du résultat de mes enquêtes sur les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des juifs, et cela notamment dans une phrase de soixante mots, j’ai pu être condamné pour « diffamation raciale (!) », pour « dommage à autrui » (!), pour « contestation » (loi Gayssot) (!) ou pour tel autre motif, mais jamais je n’ai été condamné comme menteur professionnel, comme falsificateur ou comme faussaire de l’histoire. Certains de mes adversaires sont allés jusqu’à déplorer cet état de fait surtout quand, par exemple, un arrêt de la Cour d’appel de Paris, en date du 26 avril 1983, a rendu justice à la qualité de mes travaux sur les « chambres à gaz nazies ». J’ai, d’autre part, obtenu, par le passé, la condamnation de personnes déclarant que j’avais été condamné comme faussaire de l’histoire (tel a été le cas de l’avocat Bernard Edelman, docteur en droit, et du responsable du Recueil Dalloz-Sirey, « la bible des juristes », successivement en première instance, en appel et en cassation ; voy., par exemple, Le professeur Faurisson obtient la condamnation du Dalloz-Sirey, 23 novembre 1983).
L’explication, incroyablement biscornue, de mes juges se situe à la page 6 de leur écrit. Pour eux, les différentes juridictions qui, par le passé, se sont prononcées sur mon cas l’auraient fait en recourant à des « formulations et précautions stylistiques et méthodologiques » qui cachaient leur conviction profonde selon laquelle j’aurais « occulté et travesti la vérité historique ». Mes juges estiment que leurs précautionneux prédécesseurs n’auraient pas exprimé le fond de leur pensée ! Pendant 38 ans (de 1979 à nos jours), lesdits prédécesseurs auraient considéré que j’étais un homme qui avait « occulté et travesti la vérité historique » mais, pendant 38 ans, prenant toutes sortes de précautions, ils n’auraient pas osé et su le dire. Ici on attend une démonstration. On aimerait savoir comment, tout d’un coup, en 2017, mes juges auraient soudainement sondé les cœurs et les reins de leurs timides prédécesseurs. Quelles auraient été au juste ces « formulations » précautionneuses ? Ces « précautions stylistiques » ? Et surtout ces « précautions méthodologiques » qu’on a peine à imaginer vu le caractère jargonnesque de la formulation ? On aimerait surtout des démonstrations rigoureuses avec, d’une part, les phrases des anciens juges, d’autre part, leurs « précautions » et, enfin, la traduction précise de leur pensée profonde par de nouveaux juges, sans doute particulièrement pénétrants.
De quel droit le tribunal s’est-il dispensé de toute véritable démonstration ?
Il est arrivé que, portant plainte contre telle personne me traitant de « faussaire », j’aie été débouté. Tel a été le cas quand Robert Badinter a osé dire à la télévision qu’il m’avait fait condamner « pour être un faussaire de l’histoire ». Mais la vérité allait se révéler toute autre. En 2007, les juges de la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris ont expressément prononcé que l’ancien Garde des Sceaux avait « échoué en son offre de preuve » (p. 16 du jugement du 21 mai 2007), ce qui signifie que R. Badinter n’avait pas été capable de prouver que Faurisson avait été condamné en qualité de « faussaire de l’histoire ». R. Badinter n’avait échappé à une condamnation qu’au bénéfice de « la bonne foi » (sic). Dans ces conditions, les juges de la même chambre du même tribunal de Paris, cette fois-ci, en 2017, sous la présidence de Dame Siredey-Garnier ne peuvent pas se prévaloir d’un tel jugement et l’invoquer pour conclure qu’il y avait là, dans ce jugement même de 2007, une preuve de plus de ce que Faurisson était au fond un faussaire de l’histoire, un faussaire stigmatisé comme tel par une instance juridictionnelle française. C’est pourtant ce qu’ont eu l’audace de faire ces juges, le 6 juin 2017.
Autre étrangeté : en 1990, le Parlement, avec la loi Gayssot (ou « loi Faurisson »), a soudain institué en délit le fait même de contester l’existence de la Shoah et des « chambres à gaz exterminatoires ». Soit ! Mais comment, le 6 juin 2017, le tribunal a-t-il pu ajouter que cette loi « confère nécessairement aux personnes persistant [dans la contestation] la double qualité de délinquant et de menteur » (p. 6) ? La qualité de « délinquant », certes, mais celle de « menteur », nulle part. On s’arroge le droit de qualifier de « menteur » celui qui ose « contester » la vérité révélée aux juges et par les juges de Nuremberg : serions-nous là face à l’application d’un dogme de nature religieuse, selon lequel celui qui persiste à douter est nécessairement de mauvaise foi ?
Le tribunal présidé par Dame Siredey-Garnier s’est lui-même permis de gravement falsifier le texte et le contenu de l’arrêt susmentionné du 26 avril 1983. Au bas de la page 8, citant un important passage de cet arrêt, il en interrompt subitement le cours et en omet froidement la si importante conclusion. Juste après les mots « plus de quatorze ans », suivis d’un point-virgule, la cour avait ajouté le considérant suivant : « la valeur des conclusions défendues par M. Faurisson [sur les chambres à gaz nazies] relève donc de la seule appréciation des experts, des historiens et du public ». On aura noté la présence de la conjonction « donc ». Pour la cour, les recherches, les travaux, les conclusions de M. Faurisson en ce domaine sont si sérieux (car sans aucune trace soit de « légèreté », soit de « négligence », soit d’ignorance délibérée, soit, surtout, de « mensonge ») que tout le monde doit avoir le droit 1) de dire, tout comme Faurisson, que ces prétendues chambres à gaz nazies ne sont qu’un mensonge historique et 2), à plus forte raison, d’en débattre librement.
Comment des magistrats peuvent-ils ainsi pousser l’aplomb jusqu’à dénaturer par de tels escamotages le sens d’une décision de justice ? Il est inconcevable qu’un arrêt qui contient, dans l’une de ses parties, un pareil hommage à mon travail sur les prétendues armes de destruction massive d’Adolf Hitler contienne, au fond, l’idée ou l’accusation que je serais « un menteur professionnel », un « falsificateur » ou un « faussaire de l’histoire ». Il est tout aussi inconcevable qu’un jugement où il est dit que Robert Badinter a été incapable de prouver qu’il avait, en tant qu’avocat, fait condamner Robert Faurisson en qualité de « faussaire de l’histoire » contienne, au fond, l’idée que le même Robert Faurisson serait, lui, un « faussaire avéré de l’histoire ». Assurément des juges peuvent quelquefois exprimer au début de leur sentence un avis, puis, par la suite, exprimer sur tel autre point des réserves ou des critiques mais ils ne le feront pas au point d’aller jusqu’à s’infliger un pareil démenti ou jusqu’à tenir un discours aussi incohérent.
26 juin 2017
[Ces « premiers commentaires » devraient avoir prochainement une suite]
*****
Tribunal
de Grande Instance de Paris
17e
chambre correctionnelle
Jugement du 6 juin 2017
Plaidoiries
le 9 mai 2017
Prononcé
le 6 juin 2017
JUGEMENT
CORRECTIONNEL
Prononcé à l’audience publique du Tribunal
Correctionnel de Paris le SIX JUIN DEUX MILLE
DIX-SEPT
Composé
de :
Président
: Fabienne
SIREDEY-GARNIER vice- président
Assesseurs
: Frédérique RIPOLL
FORTESA vice- président
Marc
PINTURAULT juge
Ministère
public: Aglaë FRADOIS substitut
Greffier:
Martine VAIL greffier
Dans l’affaire plaidée à l’audience publique du Tribunal
Correctionnel de Paris le NEUF MAI DEUX
MILLE DIX-SEPT
Composé
de :
Président
: Fabienne SIREDEY-GARNIER vice- président
Assesseurs
: Caroline KUHNMUCH
vice-président
Marc
PINTURAULT juge
Ministère
public: Florence GILBERT
substitut
Greffier:
Martine VAIL greffier
ENTRE :
Monsieur
le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal,
PARTIE CIVILE :
FAURISSON Robert
domicilié
Cabinet d’avocats 125 rue de Tolbiac 75013 PARIS
… assisté de Me Damien
VIGUIER …
ET
[Page
2]
PREVENUE :
Nom :
CHEMIN
Prénom
: Ariane
… assistée de Me
Catherine COHEN RICHELET …
COMPLICITE
DE DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE
COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE, faits commis le 24 septembre
2014 à PARIS
PREVENUE :
Nom :
CREMISI
Prénom
: Teresa
… représentée par Me Christophe
BIGOT …
DIFFAMATION
PUBLIQUE ENVERS PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION
AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE, faits commis le 24 septembre 2014 à PARIS
[Page
3]
PROCEDURE
Selon
ordonnance rendue le 9 février 2016 par l’un des juges d’instruction de ce
siège, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par
Robert FAURISSON le 22 décembre 2014, Teresa CREMISI et Ariane CHEMIN ont été renvoyées
devant ce tribunal sous la prévention :
- d’avoir à Paris et sur l’ensemble
du territoire national, le 24 septembre 2014, et en tout cas depuis temps non
couvert par la prescription, en qualité de directeur de publication, commis une
diffamation publique envers un particulier pour avoir publié un article
intitulé “29 décembre 1978 - Le jour où
“Le Monde” a publié la tribune de Faurisson” rédigé par Madame Ariane CHEMIN
dans un ouvrage intitulé “Le Monde, 70 ans d’histoire”, paru aux éditions Flammarion et
comprenant les propos suivants:
- “falsificateur”
- “faussaire de l’histoire”
propos
comportant des allégations susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la considération
de Robert FAURISSON, faits prévus et réprimés par les articles 23 alinéa 1, 29
alinéa 1, 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881.
Ariane CHEMIN :
faits
prévus et réprimés par les articles 23 alinéa l, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1 de la
loi du 29 juillet 1881.
Appelée
pour fixation à l’audience du 15 avril 2016, l’affaire a été contradictoirement
renvoyée aux audiences des 1er juillet 2016, 30 septembre 2016, 9
décembre 2016 et 9 mars 2017, pour relais, et 9 mai 2017, pour plaider.
DEBATS
La
présidente a procédé à l’interrogatoire d’identité d’Ariane CHEMIN et l’a
informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de
répondre aux questions
[Page
4]
qui l[ui]
sont posées ou de garder le silence.
Puis
elle a procédé à l’appel des témoins : se sont présentés, cités par Ariane CHEMIN
au titre de son offre de preuve, Annette WIEVIORKA, Laurent JOLY et, à 14h15,
Valérie IGOUNET.
Les
témoins ont été invités à quitter la salle d’audience pour ne la rejoindre qu’au
moment de leur déposition.
La présidente
a instruit l’affaire, rappelé les faits et la procédure, procédé à l’audition
de la partie civile, à l’interrogatoire de la prévenue présente ainsi qu’à l’audition,
serment préalablement prêté, des trois témoins cités par la défense.
A l’issue
des débats, l’affaire a été mise en délibéré et la présidente, dans le respect
de l’article 462, alinéa 2, du code de procédure pénale, a informé les parties
que le jugement serait prononcé le 6 juin 2017.
-
. -
Dans
cette tribune, l’auteur se félicitait de ce que le « silence » sur la question des chambres à gaz soit en train de
se rompre et que la vérité se fasse progressivement jour sur le fait qu’il n’avait
existé de « chambres à gaz » [1] qu’en
cinq ou six endroits de Pologne et que ces « chambres à gaz » ne correspondaient
en rien à la légende entretenue à dessein par « les appareils judiciaires polonais et soviétiques » de « véritables abattoirs humains ».
Soutenant qu’une telle thèse était incompatible avec les lois élémentaires de
1a chimie, et soulignant qu’il n’existait aucun document sur ces « chambres à gaz », l’auteur concluait
cette tribune en ces termes « Le nazisme
est mort, et bien mort, avec son Führer. Reste aujourd’hui la vérité. Osons la
proclamer. L’inexistence des « chambres à gaz » est une bonne nouvelle pour la
pauvre humanité.
———————————
[1]
Les guillemets sont d’origine
[Page
5]
Une bonne nouvelle qu’on aurait tort de
tenir plus longtemps cachée.
».
Le 21
août 2012, ce même journal publiait un article d’Ariane Chemin, intitulé « 29 décembre 1978 - Le jour où « le
Monde » a publié la tribune de Faurisson », dans lequel l’auteur
revenait sur les circonstances de la publication de la tribune de Robert Faurisson
et le débat qu’une telle publication avait suscité en interne, rappelait les grandes
lignes de la carrière de l’intéressé et critiquait par ailleurs personnellement
l’initiative du Monde, la qualifiant de « bourde
monumentale » qui avait contribué à la notoriété de Robert Faurisson et à
la propagation, voire à la légitimation, de ses thèses, qualifiées de « délirantes », sur l’inexistence des
chambres à gaz.
Poursuivie
en justice par Robert Faurisson pour avoir écrit que celui-ci était un « un Menteur professionnel », un « falsificateur » et un « faussaire de l’histoire », Ariane Chemin,
par jugement de cette chambre du 16 janvier 2014, confirmé le 18 décembre 2014
par la cour d’appel de Paris, était relaxée, les poursuites ayant été engagées
sur le fondement de 1’injure publique envers particulier alors que les propos
incriminés se référaient à des faits précis, exclusifs de la qualification d’injure.
Le 24
septembre 2014, l’article d’Ariane Chemin du 21 août 2012 était publié sous forme
de fac-similé dans l’ouvrage commémorant les 70 ans du Monde.
Robert
Faurisson déposait à nouveau plainte avec constitution de partie civile le 22 décembre
2014 pour les propos déjà poursuivis lors de la première publication de l’article,
mais cette fois-ci sur le fondement de la diffamation publique envers particulier.
Ariane
Chemin et Teresa Cremisi, directrice de publication des éditions Flammarion, étaient
respectivement mises en examen les 6 juillet et 5 octobre 2015.
Lors
de l’audience, Robert Faurisson s’expliquait sur ses recherches et travaux. Il déclarait
ainsi avoir exprimé la synthèse de sa pensée lors d’une émission de radio le 17
décembre 1980 en ces termes « ... les
prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des juifs
forment un seul et même mensonge historique, qui a permis une gigantesque
escroquerie politico-financière, dont les principaux bénéficiaires sont l’Etat
d’Israël et le sionisme international et dont les principales victimes sont le peuple allemand - mais non ses
dirigeants - et le peuple palestinien tout entier ». Il affirmait, par
ailleurs, avoir, contrairement à ses détracteurs, les preuves de tout ce qu’il
avançait, et soutenait que même les spécialistes les plus opposés à ses thèses,
comme Raul Hilberg, étaient finalement convenus de l’impossibilité de démontrer
l’existence à la fois d’un ordre aux fins d’extermination des juifs et des
chambres à gaz aux fins d’extermination.
Son
conseil plaidait en faveur de la condamnation des prévenues, l’offre de preuve n’étant
selon lui pas recevable, son client n’ayant jamais été condamné, en toute hypothèse,
pour avoir été un faussaire de l’histoire, les magistrats n’ayant fait que relever,
dans les différents procès, la bonne foi de ses adversaires, et Ariane Chemin s’étant
exprimée sans aucune prudence et avec malhonnêteté.
Le
ministère public requérait la relaxe, les propos étant bien diffamatoires mais
l’offre de preuve étant à la fois recevable et bien fondée.
[Page
6]
Ariane
Chemin exposait, tout d’abord, les motifs l’ayant conduite à écrire sur la polémique
engendrée par la publication de la tribune de Robert Faurisson, sujet pas ou peu
abordé jusqu’alors et qui lui paraissait soulever d’intéressantes questions sur
les limites de la liberté d’expression. Elle expliquait avoir énormément
travaillé en vue de la rédaction de cet article, sachant à quel point le sujet
abordé était sensible, et avoir d’ailleurs rencontré Robert Faurisson chez lui,
à Vichy, durant l’été 2012, l’entretien s’étant bien passé au début mais l’ayant
mise mal à l’aise dès lors que l’intéressé avait voulu lui montrer ses archives
et tenté de la convaincre du bien-fondé de ses thèses sur la Shoah et les chambres
à gaz. Elle ajoutait s’étonner, n’étant pas juriste mais se prononçant en tant
que citoyenne, du fait que Robert Badinter, poursuivi par Robert Faurisson pour
avoir déclaré le 11 novembre 2006 sur la chaîne de télévision Arte « ...J’ai fait condamner Faurisson pour être un
faussaire de l’histoire », n’ait été relaxé qu’au bénéfice de la bonne foi,
alors même que la Shoah était pour sa génération un fait avéré qui ne souffrait
aucune discussion.
Les
trois témoins cités par ses soins estimaient que 1’emploi des termes poursuivis
par Robert Faurisson se justifiait totalement.
Valérie
Igounet, historienne, auteur d’une thèse sur le négationnisme et d’une biographie
de Robert Faurisson, témoin lors du procès intenté en 2007 par Robert Faurisson
contre Robert Badinter, déclarait considérer Robert Faurisson comme un professionnel
du mensonge et de la falsification, avide de notoriété et adepte des provocations
en tout genre. Elle affirmait que s’il ne fabriquait pas de faux documents, il
partait systématiquement d’un postulat, celui du complot juif quant à l’existence
de la Shoah afin de percevoir des réparations et parvenir à la création de l’Etat
d’Israël, et s’arrangeait pour faire coïncider ses prétendues recherches et
découvertes avec ce postulat, en tordant et tronquant si besoin la vérité.
Annette
Wieviorka, historienne, directrice de recherches émérite au CNRS, auteur d’ouvrages
sur Auschwitz et les procès de Nuremberg et d’Eichmann, également témoin lors
du procès de 2007, confirmait avoir été choquée lors de la publication en 1978
de la tribune de Robert Faurisson, cet acte légitimant selon elle une falsification
de l’histoire et un mensonge. Elle soulignait les approximations et les
erreurs, toujours orientées dans le même sens, de la méthode de Robert
Faurisson, estimant que le i négationnisme, s’il avait sans doute poussé les
véritables historiens à approfondir leurs recherches sur un fait tellement
établi qu’il ne paraissait souffrir aucune contestation, et à préciser certains
points, n’était que le « pilote » de la tendance actuelle aux « faits alternatifs
», et insistait sur la propension de Robert Faurisson à toujours travestir la réalité
à son avantage, transformant ainsi, en particulier, ses défaites judiciaires en
victoires.
Laurent
Joly, historien, directeur de recherches au CNRS, spécialiste de
l’antisémitisme et de l’extrême-droite, précisait que, pour lui, il ne faisait
aucun doute que Robert Faurisson se rattachait au milieu de « l’activisme antisémite, qui depuis l’affaire
Dreyfus tente de se donner les apparences de la science pour justifier leur haine
des juifs » et « soumet(tait)
la réalité à ses fantasmes ». Il déclarait que Robert Faurisson était bien
à la fois, un « faussaire », au sens
de « mystificateur » ou de « falsificateur », et un « menteur professionnel » - seul qualificatif
adapté à un « homme qui depuis 40 ans
nous dit que l’existence des chambres à gaz est matériellement impossible »
-, se refusant à entrer dans ce qu’il qualifiait les « histoires absurdes de Faurisson »,
mais se disant inquiet que le négationnisme puisse prospérer avec la
disparition des derniers témoins directs.
[Page
7]
Le
conseil d’Ariane Chemin plaidait en faveur de la relaxe de sa cliente, estimant
que celle-ci, de par les pièces et témoignages produits par ses soins dans l’offre
de preuve, il avait démontré la réalité des imputations poursuivies, et pouvait
à tout le moins bénéficier de l’excuse de bonne foi, en raison notamment de la
base factuelle extrêmement solide dont elle disposait pour écrire son article.
Le
conseil de Teresa Cremisi demandait également sa relaxe, sa cliente devant bénéficier,
en sa qualité d’auteur au sens de la loi du 29 juillet 1881, de 1’excuse absolutoire
de vérité résultant des éléments fournis dans l’offre de preuve d’Ariane Chemin
et sa bonne foi étant parfaitement établie, les Editions Flammarion, bien qu’en
étant totalement solidaires, n’ayant au surplus jamais interféré dans les choix
éditoriaux du Monde pour la conception de l’ouvrage.
SUR CE
SUR L’ACTION PUBLIQUE
La
démonstration du caractère diffamatoire d’une allégation ou d’une imputation suppose
que celles-ci concernent un fait précis de nature à porter atteinte à l’honneur
ou à la considération d’une personne identifiée ou identifiable.
Si,
comme en l’espèce, une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires est
formulée, elle doit, pour produire l’effet absolutoire prévu par l’article 35
de la loi du 29 juillet 188l, ètre parfaite, complète et corrélative aux
imputations dans toute leur portée et leur signification diffamatoire.
Les
imputations diffamatoires peuvent, enfin, être justifiées lorsque leur auteur
établit sa bonne foi, en prouvant qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à
toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre
d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans
l’expression, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits
postérieurs à la diffusion des propos et que l’ensemble des critères requis est
cumulatif.
Ces
critères s’apprécient différemment selon le genre de l’écrit en cause et la
qualité de la personne qui s’y exprime et, notamment, avec une moindre rigueur
lorsque l’auteur des propos diffamatoires n’est pas un journaliste qui fait
profession d’informer, mais une personne elle-même impliquée dans les faits
dont elle témoigne.
Il
résulte de l’article d’Ariane Chemin qu’en qualifiant Robert Faurisson de « menteur professionnel », « falsificateur » et « faussaire de l’histoire », l’auteur a
entendu dénoncer non pas un trait de caractère mais les mensonges sciemment
proférés par la partie civile aussi bien, à titre principal, sur la question de
la Shoah et des chambres à gaz exterminatoires, que sur des points plus accessoires,
telles son appartenance à la gauche ou les circonstances de son interdiction d’exercer
ses fonctions à l’université de Lyon-II et de l’agression consécutive dont il
s’est dit victime.
[Page 8]
L’ensemble
des propos poursuivis doit, par conséquent, être considéré comme diffamatoire.
sur l’offre de preuve
Il
est soutenu par le conseil de la partie civile que l’offre de preuve d’Ariane
Chemin n’a pas été régulièrement délivrée à son client, celui-ci en ayant été
informellement averti par le ministère public après l’expiration du délai de
dix jours et le jour même où expirait le délai pour formuler une offre de
preuve contraire.
Cet
argument ne saurait toutefois prospérer, dans la mesure où il résulte des
éléments versés aux débats que le ministère public a transmis le 14 mars 2016 à
Me Yon, conseil de Robert Faurisson lors de l’instruction, l’offre
de preuve formulée le 9 mars 2016 par Ariane Chemin, celle-ci ayant été citée à
comparaître le 1er mars 2016 ; que par courriel du 14 mars, Me
Yon a indiqué au ministère public ne plus être en charge des dossiers de Robert
Faurisson, celui-ci confiant désormais ses intérêts à Me Viguier ; que
ce dernier, dans une lettre du 25 mars 2016, a indiqué avoir averti le 10 mars
2016 le ministère public, la 17ème chambre et ses confrères du
changement d’avocat ; que toutefois la télécopie figurant au dossier mentionne
qu’elle a été adressée au cabinet de Sabine Kheris, juge d’instruction
dessaisie du dossier depuis l’ordonnance de renvoi devant le tribunal
correctionnel ; que, dans ces conditions, il ne saurait être fait grief au
ministère public d’avoir notifié l’offre de preuve hors délai, Ariane Chemin
ayant elle-même formulé son offre de preuve dans les délais requis et le
ministère public, qui n’était d’ailleurs pas tenu de le faire, étant, aux
termes de l’article 55, le seul destinataire de droit de l’offre de preuve,
ayant également procédé à l’information de la partie civile dans les délais.
L’offre
de preuve d’Ariane Chemin doit, par conséquent, être déclarée recevable.
Au
soutien de son offre de preuve de la vérité des faits, Ariane Chemin produit,
outre les témoignages exposés ci-avant, des articles de presse, des extraits d’ouvrage
et, principalement, une série de jugements et d’arrêts, ou d’extraits de ces
décisions s’échelonnant entre le 8 juillet 1981 et le 18 décembre 2014, dont :
[Page 9]
- un arrêt de la cour d’appel de Paris du 16
janvier 1985 [5]
déboutant Robert Faurisson de l’action entreprise par ses soins contre Jean
Pierre-Bloch à raison de l’allégation de « faussaire »
proférée à son encontre dans l’autobiographie du prévenu ;
[3] CfPJ 9 Mme Chemin
[4] CfPJ 10 Mme Chemin
[5] CfPJ 11 Mme Chemin
[6] CfPJ 12 Mme Chemin
[7] Cf PJ 16 Mme Chemin, jugement non frappé d’appel
[8] CfPJ 18 Mme Chemin
[9] CfPJ 19 Mme Chemin
[10]
CfPJ 13, 14 et 15 Mme Chemin
[Page 10]
Toutefois,
il résulte même de l’analyse de ces différentes décisions, et ce quelles que soient
les formulations et précautions stylistiques ou méthodologiques retenues par
les différentes juridictions s’étant prononcées, que Robert Faurisson a bien
été condamné pour avoir occulté et travesti la vérité historique ; qu’il a,
ainsi, été condamné pour ses déclarations sur « les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des
juifs » ; qu’il a été reconnu que le terme de « faussaire » utilisé à son endroit ne pouvait justifier la
condamnation des personnes l’ayant employé, celles-ci s’étant exprimées « sans exagération, sans dénaturation de la
vérité, avec objectivité et sincérité » ; que si plusieurs décisions ont
cru bon de relever qu’il « n’appartient
pas aux tribunaux de juger de la véridicité des travaux historiques ou de
trancher les controverses suscitées par ceux-ci et qui relèvent de la seule
appréciation des historiens et du public », force est de constater d’une
part que, s’agissant de la Shoah et des chambres à gaz exterminatoires, cette
question a été vidée de sa substance par la loi Gayssot, qui institue en délit
le fait même d’en contester l’existence, et, partant, confère nécessairement
aux personnes persistant dans cette voie la double qualité de délinquant et de
menteur, d’autre part que tout en affirmant ne pas vouloir se poser en historiens,
les juges, par leur examen de la bonne foi, ont été néanmoins nécessairement
amenés à se prononcer sur la validité des éléments historiques produits par les
parties au soutien de leurs positions respectives ; qu’ils ont ainsi,
notamment, relevé (les soulignements sont ajoutés) :
- que
cette motivation est reprise dans le jugement rendu le 14 février 1990 par la 17ème
chambre du TGI de Paris, qui en outre, après avoir énuméré les documents fournis
par Georges Wellers et le Centre de Documentation Juive Contemporaine en vue de
la démonstration du « caractère
délibéré de la politique, niée par les révisionnistes, menée par les nazis en
vue de « l’anéantissement total des Juifs », selon les termes utilisés le 13
mai 1942 par Theodor Dannecker « responsable des affaires juives » à Paris pour
le compte de l’Office central de sécurité du Reich » [11], conclut que les « défendeurs … ont publié l’expression incriminée
[11] Parmi lesquels des
passages du procès verbal de Wannsee, les déclarations de Himmler, celles
d’officiers nazis devant le tribunal international de Nuremberg, celles
d’Eichmann à son procès.
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11]
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12]
– sur l’extension du bénéfice de l’offre de
preuve à Teresa Cremisi
Il est soutenu par le conseil de Teresa
Cremisi que celle-ci, bien que n’ayant pas formulé d’offre de preuve à titre
personnel, doit néanmoins mécaniquement bénéficier de l’exception de vérité admise
au profit d’Ariane Chemin.
De fait, dès lors qu’il a été reconnu que
l’auteur des propos apportait la preuve de la vérité des faits avancés par ses
soins, et que, partant, sa responsabilité était exclue, il doit être admis, s’agissant
au surplus d’un moyen dont l’effet est de consacrer une vérité objective, que
cette exclusion de responsabilité s’étend nécessairement au directeur de
publication.
Teresa Cremisi sera donc également
renvoyée des fins de la poursuite.
SUR
L’ACTION CIVILE
Robert Faurisson est déclaré recevable en
sa constitution de partie civile mais est débouté de ses demandes eu égard à la
relaxe prononcée.
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13]
*
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, en
premier ressort et par jugement contradictoire à l’égard de Teresa CREMISI,
prévenue (article 411 du code de procédure pénale), d’Ariane CHEMIN, prévenue,
et de Robert FAURISSON, partie civile :
Déclare
recevable l’offre de preuve d’Ariane CHEMIN ;
Renvoie
Ariane CHEMIN et Teresa CREMISI des fins de la poursuite ;
Déclare
Robert FAURISSON recevable en sa constitution de partie civile ;
Le
déboute de ses demandes en raison de la relaxe prononcée.
En application de l’article 1018 A du
code général des impôts, a présente décision est assujettie à un droit fixe de
procédure de 127 euros dont est redevable Robert FAURISSON.
et le présent jugement ayant été signe
par la présidente et la greffière.