En ce moment, ces affaires de
nonagénaires poursuivis ou condamnés pour avoir été comptable ou télégraphiste
à Auschwitz dans leur jeunesse nous rappellent l’infamie des procès intentés soit
en Israël, soit à Munich au malheureux John Demjanjuk. Toutes ces affaires nous
fournissent un exemple de plus de ce qu’au XXIe siècle des
magistrats peuvent inculper (puis condamner) une personne à qui on impute un
crime 1) sans ordonner une expertise médico-légale décrivant la scène de crime
et l’arme du crime, 2) sans aucune preuve de crime 3) et même sans aucun témoin
du moindre crime.
Un journaliste du Monde
s’est fait une spécialité de la chasse au vieil infirme. Il s’agit de Nicolas
Bourcier. Ce dernier a notamment publié Le Dernier Procès (Don Quichotte éditions, Le Seuil, 2011, 311 p.). Témoignant d’un révoltant parti-pris, ce
journaliste ne cache pas son admiration pour le « tour de force
juridique » des magistrats de Munich (son article nécrologique intitulé
« Criminel de guerre, gardien du camp de Sobibor, John Demjanjuk », Le
Monde, 21 mars 2012, p. 30). Dans la préface de son livre figurait, à
la page 14, la phrase nominale suivante : « Aucun témoin direct, aucune
preuve définitive, aucun aveu ». On ne saurait mieux dire. Nicolas
Bourcier : le nom d’une personne qui se félicite de ce que des magistrats
puissent condamner pour complicité de crime un homme de 91 ans sans fournir
ni preuve ni témoin dignes de ce nom. Demjanjuk a finalement été condamné à
cinq ans de prison pour avoir participé (sic) à l’assassinat de 28 000
personnes (sic) à Sobibor. Amené d’un mouroir, traîné en chaise roulante jusqu’au
prétoire, étendu sur une civière équipée d’un goutte-à-goutte, ne comprenant
rien à ce qui se passait, il n’aura prononcé que deux petites phrases en 18
mois de procès et 93 audiences. Que pense Nicolas Bourcier d’un tel raffinement
dans la torture d’un vieil homme ? Il estime que, dès lors qu’il s’agit de donner un
écho à la douleur holocaustique des juifs, rien ne doit être épargné à un
« criminel de guerre nazi ». Pour lui, ce procès s’est achevé sur
« un verdict exemplaire ».
Allez voir sa tête sur Google. Elle vaut le détour.
24 septembre 2015