C’est à tort que, dans certains
milieux, notamment juifs, on reproche au Monde de
m’avoir ouvert ses colonnes le 29 décembre 1978 sur « Le problème des chambres à gaz ». C’est à mes agresseurs du 20 novembre 1978 qu’incombe la
responsabilité de cette initiative journalistique. Un journal qui avait fait
état des agressions physiques dont venait d’être la cible un enseignant de
l’Université Lyon II était bien obligé d’expliquer ensuite à ses lecteurs pour
quelle raison précise ce dernier avait été la victime d’un guet-apens sur le lieu
même de son travail. Sans les violences délibérées d’une bande de voyous se
rendant tout exprès par le train, en première classe, de Paris à Lyon où
j’enseignais, il est probable que la grande presse française aurait continué de se taire sur le
compte du révisionnisme et de ses récentes découvertes (par exemple, celle des
plans des crématoires d’Auschwitz : les prétendues « chambres à
gaz » n’étaient que d’ordinaires dépositoires pour les cadavres en attente
de crémation et les gazages auraient été techniquement impossibles). Dès le 11
août 1974, avec la parution d’un témoignage de Charlotte Delbo intitulé
« Démythifier ou falsifier ? », Le
Monde avait manifesté son hostilité au révisionnisme en général et
à mes positions en particulier. Deux articles retentissants de Pierre Viansson-Ponté (« Le mensonge » des 17-18 juillet 1977 et « Le
mensonge (suite) » des 3-4 septembre 1978) ont ensuite confirmé cette
hostilité. Le 29 décembre 1978 et le 16 janvier 1979, c’est donc grâce au
« droit de réponse » à un article signalant mon agression que j’ai
obtenu d’abord la parution de mon texte sur « Le problème des chambres à
gaz », puis la publication d’une lettre explicative, mais, à chaque fois,
ces deux seuls écrits se sont trouvés, en contrepartie, accompagnés de
plusieurs textes violemment antirévisionnistes. Le Monde a
ensuite réaffirmé sa position antirévisionniste avec la publication, le 21
février 1979, d’une solennelle « Déclaration d’historiens ». Ces
historiens, au nombre de 34, concluaient au sujet desdites chambres à gaz :
« Il ne faut pas se demander comment, techniquement, un tel
meurtre de masse a été possible. Il a été possible techniquement puisqu’il a eu
lieu. [...] Cette vérité, il nous appartenait de la rappeler simplement : il
n’y a pas, il ne peut y avoir de débat sur l’existence des chambres à
gaz ». Cet aveu d’impuissance s’ajoutait aux répliques qui m’avaient
déjà été faites, toutes plus pitoyables les unes
que les autres. Là encore il serait injuste de tenir rigueur au journal de
cette médiocrité et d’y voir une complaisance pour le révisionnisme. Dans les
33 années qui suivront, Le Monde ne se départira pas de son
hostilité au révisionnisme, lequel, de son côté, ne cessera pourtant de se
développer en France comme à l’étranger.
Le bilan des progrès que nous avons accomplis à ce jour,
le journal lui-même sera contraint de le dresser le 23 décembre 2011 dans un
éditorial paru en première page et intitulé « Les lois mémorielles ne
servent à rien. Hélas ! ». Les responsables du journal y concluent
que les révisionnistes, qu’ils
appellent « négationnistes », « ont pignon sur rue comme
jamais, grâce notamment à Internet ». La formulation est
contestable parce que les révisionnistes sont loin de « jouir aux yeux de
tous d’une situation établie, aisée, enviable » (Le Grand Robert)
mais, au fond, ce bilan me paraît exact.
Nous avons eu à nous battre dans les pires conditions. Les campagnes de presse
contre les révisionnistes ont été incessantes et ont créé une atmosphère
générale de chasse aux sorcières. A partir de 1978, le flot des actions ou
condamnations judiciaires n’a pas tari (pour ma part, dans la seule journée du
25 juillet 2012, je viens de me voir signifier trois mises en examen par une
juge d’instruction, Fabienne Pous, exerçant sa fonction dans... les anciens
locaux du Monde, rue des Italiens !). De lourdes amendes et
sanctions financières nous ont frappés. De graves agressions physiques ont été
commises (dans mon cas, elles ont été au nombre de dix entre 1978 et 1993). Des
révisionnistes ont perdu leur emploi ou subi des sanctions administratives. Le
cas de Vincent Reynouard est significatif ; d’abord chassé de
l’enseignement malgré la protestation publique de ses élèves, il a été condamné
à un an de prison pour avoir écrit et diffusé auprès de quelques personnes un
écrit de seize pages intitulé Holocauste ? Ce que l’on vous cache… Les responsables du Monde ont pris la décision de taire
la nouvelle. Le condamné, un père de huit enfants, a été jeté en prison. Le
journal a continué de se taire alors même que certains d’entre nous lui
demandaient de rompre son silence devant ce scandaleux effet de la loi
Fabius-Gayssot ou Lex Faurissonia du 13 juillet 1990. Rien n’y a fait et les responsables
du journal ont persisté dans leur attitude à l’égard de ceux qui, sous la plume
de Bruno Frappat, étaient désignés à la vindicte publique comme « les
fortes têtes du mensonge, les gangsters de l’histoire » (5-6 juillet 1987,
p. 31). En dépit de tout, nous avons gardé le cap et nous avons désormais la
satisfaction de constater à quel point, dans
le milieu historique et scientifique, « la magique chambre à
gaz » est désormais en voie de disparition.
Bref, pour aller reprocher au Monde
la moindre complaisance en faveur du révisionnisme pendant toutes ces années,
il me paraît qu’il faut une remarquable dose de mauvaise foi. Aussi n’ai-je
guère de doute : si vraiment il s’apprête tout prochainement à parler de
moi, ce sera, comme d’habitude, pour me vouer aux gémonies. L’entretien qu’à sa
demande j’ai accordé, il y a trois jours, à la
journaliste Ariane Chemin (à ne pas confondre avec sa collègue Anne Chemin), m’en a convaincu. La dame ne connaît rien du sujet. Elle
brodera. Et quoi de plus facile que de broder dans l’insulte ? A chacun de
mes procès, j’expose nos arguments et le tribunal est tout ouïe tandis que,
lorsque vient leur tour de parole, le ministère public et les avocats de la
partie adverse s’ingénient à éviter le sujet pour ne donner que dans le pathos
ou l’invective. Ils sont conduits à se répéter. Ils lassent leur auditoire. Le
tribunal s’assoupit. Et voici Morphée, tout proche, dieu des Songes, fils du
Sommeil et de la Nuit.
4 août 2012