J’ai plusieurs fois traité du procès de
Nuremberg et, en particulier, de « Katyn à Nuremberg ». Encore assez
récemment, le 20 avril 2012, j’ai publié un article intitulé « Retour sur Katyn à Nuremberg ».
Mais on me signale qu’un internaute, dont
l’identité ne m’est pas révélée, a manifesté son désaccord. Voici son
message :
Il me
semble que monsieur Faurisson n’ait pas bien étudié le procès de Nuremberg,
notamment en ce qui concerne Katyn. Que Katyn figure dans l’acte d’accusation
au titre du chef d’accusation "Crimes de guerre" n’est nullement
contestable. Les allies occidentaux ont cédé au chantage des Soviétiques et ce
n’est pas à leur honneur. Pour autant, monsieur Faurisson semble oublier que
les articles 19 et 21 ne disent pas ce qu’il veut leur faire dire. L’article 19
vise surtout à assouplir les conditions d’administration de la preuve par
rapport aux règles très strictes en la matière de la procédure anglo-saxonne.
Il rejoint en fait les règles de la procédure pénale française sans attenter
aux droits de la défense. C’est ainsi que, lorsque l’accusation produisit des
« affidavit », les avocats des accusés purent exiger la comparution
des signataires de ces mêmes « affidavit ». En ce qui concerne
l’article 21 du statut du tribunal, l’interprétation de monsieur Faurisson
rejoint celle des Soviétiques, mais non celle des autres membres du tribunal.
Du reste, dans la version en anglais du statut, il est dit que, concernant les
rapports officiels des gouvernements alliés, le tribunal « will take
judicial notice », ce qui signifie qu’il les considèrera comme recevables,
sans préjuger de leur valeur probatoire. Cette disposition ne devait nullement
aller à l’encontre des droits de la défense. On le vérifiera précisément à
propos de Katyn où la défense [a] pu imposer l’audition de ses témoins et
soumettre les témoins soviétiques à un contre interrogatoire serré, en dépit de
l’opposition virulente du procureur soviétique Rudenko et de celle du général
Nikitchenko, juge soviétique. C’est après cet épisode que l’on commença à
évoquer la responsabilité soviétique dans le massacre de Katyn. Tout ceci est
vérifiable et de larges extraits des témoignages figurent dans l’ouvrage de
Jean-Marc Varaut sur le procès.
Cet internaute se trompe du
tout au tout et certaines de ses erreurs sont graves. Il a mal lu mon article
du 20 avril 2012 intitulé « Retour sur Katyn à Nuremberg » et il
s’est dispensé de lire mon étude du 1er août 1990
intitulée « Katyn à Nuremberg », à laquelle
j’avais pris soin de renvoyer le lecteur, triple référence à l’appui.
Il n’est pas allé au
texte même des honteux articles 19 et 21 du statut du Tribunal
militaire international de Nuremberg (1945-1946) et il n’a pas étudié l’emploi
que, dans la pratique, les juges et les procureurs ont fait de ces mêmes articles.
Au lieu d’aller à la source, il s’est contenté de la lecture d’un (bien
mauvais) livre sur le procès de Nuremberg.
Je lui conseille d’aller,
en un premier temps, à l’original anglais des articles 19 et 21 (IMT) (http://avalon.law.yale.edu/imt/imtconst.asp#art1), puis
aux traductions, très éclairantes, qu’il trouvera dans les versions française (TMI)
et allemande (IMG). Il
mesurera alors le cynisme avec lequel les vainqueurs ont déclaré 1) « Le
Tribunal ne sera pas lié par les règles techniques relatives à l’administration
des preuves » (ce qui est terriblement inquiétant) et 2) « Le
Tribunal n’exigera pas que soit rapportée la preuve de faits de notoriété
publique, mais les tiendra pour acquis » (ce qui n’est pas moins
inquiétant). Les phrases explicatives qui suivent chacune de ces deux décisions
confirment et accroissent les pires craintes. Dans le cas de l’article 19, on
ajoute que le Tribunal « adoptera et appliquera une procédure expéditive
et non formaliste et admettra tout moyen qu’il estimera avoir une valeur
probante » ; ici une remarque : les traducteurs français ont
traduit l’anglais « expeditious »,
qui signifie « expéditif », par « rapide ». Retenons que,
de ce point de vue, le Tribunal ira vite en besogne et ne s’embarrassera pas
trop des formes ; puis, au terme d’une procédure aussi désinvolte, ce même
Tribunal déclarera : « Ceci est une preuve » ou « Cela
n’est pas une preuve ». Dans le cas de l’article 21, on ajoute que le
Tribunal « considérera également comme preuves authentiques les documents
et rapports officiels des Gouvernements des Nations Unies, y compris ceux
dressés par les Commissions établies dans divers pays alliés pour les enquêtes
sur les crimes de guerre ainsi que les procès-verbaux des audiences et les
décisions des tribunaux militaires ou autres de l’une quelconque des Nations
Unies ». Faramineux ! Voilà donc un tribunal qui, les yeux fermés,
sans examen du contenu, dira par exemple : « Ceci est le rapport
officiel d’une Commission de vainqueur qui a enquêté sur un crime imputé au
vaincu ; il est signé de ce vainqueur ; en conséquence, il a valeur
de preuve authentique » ! C’est ainsi que le tribunal des
« Nations Unies » va décider d’accorder valeur de preuve authentique
à toutes sortes de documents communistes dont le rapport officiel URSS-54 de la
Commission soviétique concluant que le crime de Katyn avait été perpétré par
une unité de l’armée du vaincu. On est surpris de lire que, dans ce même
article 21, on puisse parler de « faits de notoriété publique » sans
préciser aux yeux de qui tel fait sera « de notoriété publique » et
tel autre ne le sera pas. Comment cela se décidera-t-il ? Sur quel
critère ? La réponse, dans la pratique, est que les juges prendront leur
décision sans avoir à produire leurs raisons ; toujours dans la pratique,
ils auront été « instruits » par le
film atrocement mensonger qui a été projeté à l’ouverture du procès.
Autrement dit, le cas est
prévu où les juges se dispenseront d’apporter une ou plusieurs preuves. Et les juges de Nuremberg
useront surabondamment d’une telle latitude. La liste est interminable des
affirmations que ce tribunal se permettra sans apport de la moindre preuve. En
particulier, il affirmera que le vaincu a suivi une politique d’extermination
physique des juifs d’Europe mais aucune preuve ne sera fournie ! Il
affirmera aussi que le vaincu, pour perpétrer ce crime, a usé d’armes de
destruction massive appelées « chambres à gaz » ou, dans le cas de
Treblinka (document PS-3311 à valeur de preuve authentique), de « chambres
à vapeur » (steam chambers) sans
fournir la moindre preuve telle qu’une expertise criminelle, ce qui est un
comble pour un supposé crime de cette dimension. Il affirmera que le total des
victimes juives du vaincu s’est élevé à six millions sans fournir, là
encore, de preuve mais au prix d’une étonnante tricherie : il dira qu’Eichmann l’a dit alors que c’est Wilhelm
Höttl qui, dans un affidavit (une déclaration écrite sous serment), a dit qu'Eichmann le lui avait dit, et cela dès août 1944 ! Höttl
avait menti. Faisant valoir qu’une convocation de Höttl était aisée puisque,
aussi bien, le personnage demeurait sur place (et collaborait activement avec
l’accusation de peur d’être livré à la Hongrie communiste), les avocats de
la défense avaient demandé sa comparution pour qu’il vienne s’expliquer ; le
président du tribunal leur avait répondu qu’on verrait cela plus tard mais,
plus tard, on n’a rien vu du tout ! Passez, muscade !
S’il est un point
particulièrement inadmissible dans le message de l’internaute, c’est
l’assurance qu’il nous donne au sujet des « affidavit » quand il ose
écrire : « lorsque l’accusation produisit des
“affidavit”, les avocats des accusés purent exiger la comparution des
signataires de ces mêmes “affidavit” ». Les avocats ne pouvaient rien
« exiger » de tel de la part du tribunal et surtout pas la
comparution du signataire d’un affidavit. A lui seul, le cas de Höttl le prouve.
Notre
internaute devrait revoir sa copie là où il traite de ce que signifie pour des
magistrats, dans l’article 21 du statut, l’expression « to take judicial notice ». Cela
signifie « prendre connaissance d’office » ou « admettre
d’office ». Si un juge décide de « prendre connaissance
d’office » de ce que « l’extermination physique des juifs » a eu
lieu, l’accusé n’aura d’autre ressource que de se le tenir pour dit, de tenir
le fait pour acquis, de considérer comme authentique le fait que, durant la Seconde
guerre mondiale, le vaincu a suivi une telle politique d’extermination. En
1988, lors du deuxième procès intenté à Toronto contre le révisionniste Ernst
Zündel, dont j’assistais l’avocat (Doug Christie), le juge Ron Thomas a décidé,
à la demande du ministère public, de prendre connaissance d’office de la
réalité de « l’Holocauste ». Il a déclaré : « L’Holocauste
est le meurtre de masse et l’extermination de (ou des) juifs par le régime nazi
durant la Seconde guerre mondiale, et il sera dit [par moi] au jury d’admettre
cela d’office » (« The
Holocaust is the mass murder and extermination of Jews by the Nazi regime
during the Second World War, and the jury will be told to take judicial notice
of that »). Je rappelle ici que seul le jury a le droit de se
prononcer sur la culpabilité ou la non-culpabilité de la personne mise en cause
; au juge, ensuite, de fixer éventuellement la peine. Toute personne, à
commencer par un avocat, qui s’aviserait de contester ou d’avoir l’air de
contester ce qu’on lui demande d’admettre d’office et sans preuve serait
passible des peines encourues pour « outrage à magistrat » (contempt of court).
Quel est
l’insensé qui admettrait de comparaître devant un tribunal bafouant à ce point
les principes les plus ordinaires de la justice ? Un vainqueur juge son
vaincu ! Il rédige le statut de son propre tribunal. Il crée jusqu’à un
nouveau droit provisoire et adapté aux nécessités du moment. Ce faisant il
s’accorde les droits les plus exorbitants, à commencer par celui de se passer éventuellement
de preuves. Il use, par ailleurs, de la pratique de la responsabilité
collective et de la rétroactivité des lois. Il décrète qu’il n’y aura aucune
possibilité d’appel. Il décide que la peine de mort prononcée contre ses
prisonniers sera exécutée par pendaison et non par recours au feu du peloton
d’exécution, etc. La liste des crimes commis contre le droit des gens par le
Tribunal militaire international de Nuremberg est longue. Les plaidoiries, c’est un comble, ont été suivies
par les réquisitoires alors qu’en justice normale les réquisitoires précèdent
les plaidoiries. Les vaincus n’auront le droit, à la fin, qu’à une très brève
déclaration. Ces plaidoiries se sont achevées le 25 juillet 1946. Le lendemain, prenait
la parole le procureur général américain Robert H. Jackson,
l’organisateur principal de cette mascarade judiciaire. Il déclarait alors
(TMI,
XIX, p. 414-416) : « En tant que Tribunal Militaire nous poursuivons
l’effort de guerre des nations alliées » (This tribunal represents a continuation of the war efforts of the
Allied Nations) » : une manière comme une autre de lancer à la
face du vaincu : « Vae victis ! ». Il poursuit : « En
tant que Tribunal International, nous ne sommes pas attachés aux raffinements
positifs de procédure de nos systèmes constitutionnels ou juridiques
respectifs, et nos règles n’introduiront pas de précédents dans le système
interne ou la justice civile d’aucun pays ». Autrement dit : «
Foin des raffinements ! Foin du droit positif ! Nous avons inventé ces règles
pour notre propre usage, pour un temps limité, et celles-ci, après usage,
n’iront pas entacher les systèmes judiciaires d’un pays quelconque ».
Bien entendu, le langage du
vainqueur portera constamment la marque de la haute morale américaine telle que
celle-ci s’illustrera plus tard dans toute une série de guerres ou
d’expéditions punitives pour aboutir, par exemple, à la « justice »
de Guantanamo. Je l’ai écrit et je le maintiens, ce procès d’un tribunal
militaire international qui, en réalité, n’aura été ni un
« tribunal », ni « militaire », ni
« international » (mais strictement interallié et surtout américain)
a été au XXème siècle le crime des crimes. En ce début du XXIème
siècle il serait temps de s’en aviser.
17 septembre 2012